Et si en définitive cette période de Covid-19 aura été le témoignage d’un rituel de passage de l’Humanité, au sens où celle-ci marquerait un nouveau pas d’émancipation et d’éloignement de la Nature qui l’aura engendrée. Un pas où la réalité du monde physique (celle directe et sauvage qu’il a fallu dompter) est un peu plus remplacée pour s’en éloigner.
C’est comme si le dessein de l’Humanité se précisait, confirmant son besoin d’élévation vers une plus haute conscience d’elle-même comme Humanité désolidarisée de la Nature. Nos vies seraient ainsi décorrélées de ce vivant, externes à cette origine, une tendance à vouloir inventer ou rejoindre un autre monde.
D’ailleurs, nos villes, ces cités artificielles, ne sont-elles pas déjà des autres mondes, ne sont-elles pas déjà une réinvention fonctionnelle d’un monde à l’image d’une Humanité seule, sans la vie sauvage ? Celle-ci pourrait alors parfaitement se situer sur une autre planète, tellement elle est éloignée de la Terre-Nature originelle.
Le Covid-19 vient de pousser cette abstraction encore un peu plus loin en projetant une partie de la population dans un univers virtualisé par le truchement des outils et plateformes numériques. Que ce soit de nos relations privées ou publiques, la présence est devenue illusion, une lecture de la réalité sur écrans susceptibles de transporter nos humeurs et émotions.
Pourtant, rien de neuf à cela. A bien y regarder cette distanciation apparaît dès les premières écritures comme déjà supports d’interprétation de réalités, s’est poursuivie avec l’imprimerie, puis la télévision ou cinéma, plus récemment la réalité virtuelle ou augmentée issues de l’industrie des jeux vidéo. Il s’agit là du fruit d’une continuité de représentations, avec certes toujours plus de sophistications et de technologies, mais au fond d’une même tendance d’extraction ou d’abstraction du réel.
En observant le mouvement ouvrier dès le XIX siècle, on s’aperçoit par ailleurs combien notre relation au travail a conditionné l’histoire de l’Humanité. A chaque étape de son développement, le franchissement de niveaux d’automatisation, de robotisation, de virtualisation, posent éloignement et rupture avec la Nature, mais aussi progrès et gains de confort. Désormais nous travaillons à distance, chez nous, via nos écrans.
Cette nouvelle étape d’émancipation porte en elle une dualité, et possiblement un choix. D’un coté, un éloignement encore plus marqué de la Nature, et pourquoi pas, de la planète Terre, car s’il faut vivre sous cloche face au virus, nous pourrions très bien nous installer sur une autre planète. Quelle différence ? De l’autre, l’opportunité d’un retour. Car si le numérique, les réseaux et l’informatique nous permettent désormais toutes sortes de collaborations à distance, la ville, terrain et concentré d’opportunités, perdrait un peu de son attractivité (surtout si elle devient dangereuse) et laisserait en définitive un espace de retour aux sources, aux racines, à la Nature, pour en prendre soin et y trouver harmonie durable.
- Sadie Pfeiffer, fileuse de coton : https://phototrend.fr/2019/02/dessous-des-images-sadie-pfeiffer-fileuse-de-coton/
- Film documentaire “Le temps des ouvriers / L’Histoire du monde ouvrier européen” (ARTE / 2020) : https://boutique.arte.tv
- Photographier les ruines pour (re)penser l’anthropocène – Jonathan Tichit, Danièle Méaux, Université Jean Monnet, Saint-Étienne – The Conversation – 11/11/2020
- D’autres références Télétravail, Emploi, Plateforme, Environnement, Jeux Vidéos : https://2ni-explo.duckdns.org/digital-culture/
- Photographies Outdoor, Nature, Sauvage : https://unsplash.com/@2ni